Je pensais à ces foules qui en ce moment même sortaient des parcs et des jardins publics. Peut-être que la plupart des hommes traînent les dimanches soir avec la peur de voir la journée finir, la peur d'ébranler en eux une tristesse ancienne ; peut-être que cette tristesse, nous la partageons tous, cette tristesse qu'on sent quand les choses ferment, quand elles finissent.
Dominique Barbéris
recherche personnelle acrylique sur toile 80X80
Une cloche au loin chante l’angélus, les bêtes sont rentrées, la soupe est sur le feu, les hauts jeunets du bord du chemin ont éteins le jaune du fossé. L’heure est entre chien et loup, les femmes commencent leur seconde journée, les hommes s’assoient et racontent leur travail, certains ne disent plus rien, trop épuisés et souvent trop tristes.
Avaient-ils d’autres rêves dont la télévision singe l’illusoire mise en scene avec des reportages sur des contrées sans pluie, sans boue, faite de studio de carton-pâte, de séries et de prairie comme leurs petites maisons ? Comme chaque jour à la même heure un nouvel épisode.
On nous dira souvent que la routine est un mécanisme indispensable à notre survie mentale pour focaliser notre attention sur les décisions importantes. Ainsi la routine serait un point de confort qui permettrait d’apprivoiser le monde et de combattre l’incertitude de l’autre. Pourtant, appelons Platon à la rescousse : « les prisonniers enchaînés dans la caverne, même s'ils peuvent parler entre eux, ne sont pas en mesure de se confronter à la réalité. Ils voient en effet tous les mêmes ombres. » Ce qu’inspire le mythe de la caverne ? La routine permettait à l’Homme - être humain - de se positionner dans la civilisation face à l’univers rigidement codifié des Mythologies dont Barthes propose la vision décapante. La vie quotidienne dont Henri Lefebvre avait produit une critique radicale, sources du situationnisme de Debord rejoint les réflexions de Baudrillard au sujet de la société de consommation ; aujourd’hui encore, cette vie quotidienne dont Michel de Certeau a exposé «l’invention », en confrontation à la fois avec les thèses développées par Foucault sur la discipline et avec celles développées par Bourdieu sur l’habitus. Dès lors que, ayant reconnu qu’il était définitivement impossible de sortir de la caverne sans avoir acquis qu’il existe deux manières d’appréhender les choses autour de nous : « une approche sensible et une approche intelligible *» nous ne pouvons appréhender la routine comme quotidienneté qu' avec un regard critique sinon la caverne deviendrait notre tombeau… « * Par exemple, si je vous demande de me définir le mot « cercle », vous pouvez soit me dessiner un rond — ça c’est l’approche sensible ; soit me donner la définition de l’idée de cercle — ça, c’est l’approche intelligible. » Doria Messaoudene pandore.com |