" Il me faut trouver, entre autres choses, un nouveau nom pour l'univers, je suis las des mots anciens, ils ont signifié trop de choses pour d'autres époques et d'autres hommes."
Allen Ginsberg

Lydie, chloé, Julie dans la court de l'atelier Moreau. acrylique sur toile 1,50 x 2 m
Quelque part là-bas, derrière la ligne de l‘océan, il y a d'autres continents, mais aussi des souvenirs qui se fondent déjà lentement en un immense oubli ; des objets retrouvés par hasard, des photos en noir et blanc, d’autres vies, des mémoires, des familles, les récits des anciens et des pays lointains où ils naquirent, exodes, fuites, pays et région inconnues, là où nous n’irons jamais.
Souvenirs des migrations, de provinces en capitales et de la campagne à la ville, d’une famine climatique, de guerre lasse oubliées depuis longtemps. La lente chimère du temps commence à saisir leurs silhouettes sur des quais de départ, elles s'estompent. La neige tombe sur la plage. Nous ne sommes plus que la trace de leur passage.
Ce matin-là, sur ma terrasse, je regardais ces empreintes de pattes de moineaux dans un semblant de givre hivernal. Quelques flocons les oublieraient bien vite, les indices pourtant du souvenir d’un sillage me laissait songeur.

La notion de trace, apparu au 13e siècle posa bien des problèmes aux philosophes, mais tous s’accordent à lui donner une fragilité qui nous laisse à penser que la trace pose la question du hasard de l'existence. L'histoire des trois frères qui parviennent à décrire l’aspect d’un animal qu’ils n’ont pas vu, à partir des indices recueillis sur son passage : un chameau blanc, aveugle, qui porte deux outres sur le dos, d’huile et de vin ; tel que le rappel Carlo Ginzburg dans ce conte oriental il y a aussi la trace non écrite, appelée par Marc Bloch « vestiges du passé ». |